Le 120è Congrès des Notaires s’est achevé le 27 septembre dernier. Les douze propositions issues du travail des trois commissions ont toutes été adoptées. Nous avons souhaité avoir le retour « à chaud » de la Présidente sur les résultats obtenus à l’issue du Congrès. Marie-Hélène Péro Augereau-Hue a accepté une nouvelle fois de répondre aux questions de la Rédaction.
Êtes-vous satisfaite des résultats du Congrès ?
Marie-Hélène Péro Augereau-Hue : Je vous réponds avec un grand oui. Avant la tenue du Congrès, tout président désire bien sûr que toutes les propositions soient adoptées. Là, nous avons « fait carton plein » puisque toutes nos propositions ont été adoptées à une très large majorité, malgré parfois un ou deux cartons rouges. Oui, je suis très satisfaite à la fois des échanges qui ont eu lieu avec la salle et des présentations. Les propositions ont été présentées de manière pédagogique, alors qu’elles étaient de fait très techniques. Nous les avons ainsi rendues accessibles à tous. Même pour des néophytes, la pédagogie qui a accompagné la présentation des propositions a facilité leur adoption, leur acceptabilité.
Dans la perception populaire, le notaire est associé à la transmission, à la succession, au droit de la famille et moins à des problématiques liées à l’aménagement du territoire. Le notaire est de fait perçu comme étant seulement un privatiste alors qu’en pratique il a de plus en plus une double fonction, privatiste et publiciste. Ainsi dès lors qu’une question est en lien avec les préoccupations de nos clients et que nous constatons des « points de blocages récurrents », nous nous saisissons naturellement du sujet.
Les notaires avaient la possibilité de suivre cette année le Congrès à distance. Cela a-t-il eu un impact sur la fréquentation ?
M-H. P. A-H. : J’ai le plaisir de vous communiquer quelques chiffres officiels des participants à notre congrès. Ainsi cette année, nous avons eu :
- 4 016 participants
- 42 intervenants du programme de formation
- 200 experts consultés durant la préparation des travaux
- 55 prestataires mobilisés par l’Association du Congrès des Notaires de France
- 152 exposants et leurs 1 167 représentants
- 64 journalistes présents pour couvrir le Congrès
- 260 étudiants de M2 droit notarial
Le Congrès de cette année était un peu différent et c’est ce que j’ai souhaité. J’ai pris conscience des difficultés conjoncturelles dans lesquelles s’est déroulé mon Congrès. La première journée de formation revêt une grande importance et j’ai jugé que permettre à mes confrères et leurs collaborateurs de suivre cette journée à distance leur économisait une journée de déplacement Cela ne les a pas empêché d’être présents, nombreux et je l’ai constaté, le jeudi et le vendredi.
Il y avait du monde au concert de Louise Attaque !
M-H. P. A-H. : Cela confirme que les confrères étaient bien là le jeudi.
Il est essentiel que tous les congressistes aient les mêmes possibilités d’accès à la formation.
Personnellement, j’ai cependant une réserve quant au distanciel. En effet, contrairement au suivi de la formation en présentiel, il y a un manque de communication avec les autres participants.
La formation et le formateur sont naturellement enrichis par ces échanges.
Les notaires sont de plus en plus friands d’Intelligence artificielle. Quel retour avez-vous eu sur la possibilité de naviguer dans le rapport grâce à ce module ?
M-H. P. A-H. : Les premiers retours sur le rapport du 120ème Congrès sont positifs. Elle est également en train d’être testée pour les rapports précédents. Les commentaires que j’ai reçus de l’équipe et de mes collègues sont très encourageants. L’avantage majeur est que cette IA mentionne ses sources. Elle mentionne et fait référence aux pages du rapport, ce qui signifie que lorsque l’on clique sur la référence, on se retrouve directement sur la page du rapport mentionnée dans l’IA. C’est ce que j’appelle le « côté parfait » de l’IA.
Elle ne fonctionne pas sans l’intelligence humaine.
Pour être plus précis, qui a développé ce module d’IA ?
M-H. P. A-H. : L’entreprise porte le nom d’Ordalie. Cette jeune startup française avait son stand à l’exposition. Selon moi, il est primordial qu’une l’IA mentionne ses sources.
Les douze propositions ont été largementadoptées. Selon vous, quelles sont les plus marquantes ou plus urgentes à mettre en œuvre ?
M-H. P. A-H. : Toutes les propositions n’ont pas le même effet.
La question du statut de l’arbre a, dans le cadre de la première Commission, un caractère juridique certain, plus proche d’une notion d’intérêt général. Le retrait du littoral et la gestion des forêts sont des sujets cruciaux qui présentent des enjeux et des conséquences immédiates.
De nos jours, nous devons davantage privilégier un urbanisme de projets plutôt qu’un urbanisme de normes. Par exemple, il me semble crucial d’élargir l’étendue du permis de construire sans remettre en question la qualification ou la définition des unités foncières. En outre, le projet urbain partenarial (PUP) va sans doute jouer un rôle essentiel, car demain la problématique du financement des équipements publics va se poser avec acuité. Le PUP est une disposition ancienne, mais qui n’est pas encore concrètement mise en œuvre. Et sur la troisième commission, là, nous sommes dans le concret avec l’action cœur de ville et des petites villes de demain.
Chaque proposition a été élaborée en fonction de la législation en vigueur, avec la possibilité d’une mise en œuvre concrète à court et moyen terme. Il est également nécessaire de penser à long terme et c’est notre ambition commune.
Traditionnellement, les propositions du Congrès sont transmises aux pouvoirs publics. Ne craignez-vous pas, dans le contexte actuel, que les propositions ne soient remises à plus tard ?
M-H. P. A-H. : N’oubliez pas que le vice-président de l’Association des maires de France, ainsi que le sénateur Blanc, ont déclaré que la question du ZAN réapparaîtrait rapidement. Depuis 20 ans et la loi SRU, la politique de sobriété foncière est au cœur de l’action des pouvoirs publics. En tout état de cause, nous parviendrons au ZAN mais peut-être est-il nécessaire d’en moduler certains effets afin de rendre l’objectif plus acceptable.
Quelques propositions vont faciliter cette nécessaire modulation, en particulier celles de la troisième commission, et nous allons pouvoir aborder plus rapidement l’intégration de certaines propositions du Congrès dans le cadre des nouveaux projets.
Grâce à l’Action cœur de ville, nous nous trouvons au centre des sujets actuels tels que la reconversion des entrées de ville et la question des zones commerciales. Nous avons également indiqué que pour les communes, une réflexion globale sur la fiscalité locale devait être engagée sans délai. Il est déjà possible de mettre en œuvre certaines propositions tout en prenant en considération les préoccupations des autorités publiques sur notamment le financement des équipements publics. C’est le sens de la proposition sur le projet urbain partenarial.
L’objectif principal de nos propositions est in fine de faciliter les financements des projets. Cela implique également de modifier notre vision et notre réflexion sur la fiscalité.
Comment se déroule le post-Congrès ?
M-H. P. A-H. : Le suivi du post-congrès est assuré par l’ensemble de la profession. Pour ma part, je reste à la tête du 120ème Congrès. Par la suite, j’assumerai le poste de présidente de l’ACNF pendant une année, jusqu’au Congrès de Montpellier. Je représente également le CSN en tant que présidente de la section de droit public de l’IEJ, l’Institut d’études juridiques. Vous remarquerez, j’ai encore une année merveilleuse à venir !
Mes associés vont être aussi ravis de me retrouver.
Comment avez-vous vécu cette présidence ?
M-H. P. A-H. : J’ai eu la chance de travailler avec une équipe formidable. Nous sommes tous liés maintenant, encore plus peut-être après ces deux années de travail. C’est une très belle expérience humaine et je dis à mes confrères que le jour où on vous propose de participer à un Congrès, il ne faut pas hésiter à saisir cette opportunité.
Lorsque j’ai passé le témoin au président du 121ème Congrès qui sera consacré au droit de la famille, j’ai considéré que nous étions dans une continuité, celle de notre mission quotidienne de notaire. En effet considéré que l’aménagement du territoire est étroitement lié à l’innovation, l’évolution de la société et des familles. Ainsi, si vous ne vous intéressez pas à la famille et à ses évolutions, il peut être plus difficile de comprendre les enjeux liés à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire. J’ai des clients pour qui le vieillissement des donateurs est une véritable préoccupation, en particulier en ce qui concerne l’aménagement de leurs logements. Je n’avais pas cette question il y a dix ou quinze ans. Ou prenons l’exemple des conséquences liées à la multiplication des divorces ou de la monoparentalité.
Les problèmes de logement et d’aménagement du territoire sont en fin de compte étroitement liés aux problèmes familiaux et à l’évolution de la société. Il y a ainsi un vrai continuum dans les thèmes abordés lors de nos congrès.